LETTRE POUR L

Juillet 1991. Un homme de 40 ans reçoit une lettre de L..., une jeune femme dont il fut très amoureux et avec laquelle il a vécu dix ans. L... est gravement malade. Elle lui demande s'il peut lui faire un film bien. Mais dès lors se pose la question : «Qu'est-ce qu'un film bien ?» En état d'urgence, pour elle, il fait un film.

À Moscou, il dit adieu au Mausolée de Lénine. Il se souvient de l'après 68, de leur installation dans une HLM, de leurs rapports tendus avec les voisins, de leurs querelles amoureuses et leur engagement respectif, révolutionnaire ou féministe. «C'est quoi un film bien ?» À côté d'une statue de Godard en héros réaliste, il distribue de l'argent et des idées pour de futurs scénarios.

Sur les Champs-Élysées, un cinéaste, Lui, parle de son nouveau film à une ex-petite amie devenue journaliste pour la Télévision. À Gaza, un Palestinien torturé par les Israéliens et rencontré un an auparavant, lui demande d'abord de regarder, de vivre avec les gens avant de les filmer. À Berlin, une nouvelle conquête féminine lui renvoie à la figure sa perception bien trop française de l'Allemagne. Direction l'ex-Yougoslavie, pour essayer de comprendre. Il traverse Vukovar, détruite par les nationalistes serbes, un exemple parfait de ville «ethniquement pure». Dans les ruines, il trouve les rushes d'un film sur lesquels il identifie une actrice, Milena. Il part à sa recherche et fait sa connaissance à Belgrade. Il aimerait tant qu'elle partage ses convictions politiques et sa position critique sur l'attitude du gouvernement serbe. La jeune comédienne ne veut rien savoir. Ils se séparent.

Sarajevo. La ville résiste, malgré les bombardements. Un réalisateur, Ademir Kenovic, tourne un film de fiction et lui sert de guide dans les décombres. Lui non plus ne sait pas ce qu'est un film bien. 23 décembre 1992. L... est à l'hôpital. Il rentre à Paris. Il ne peut pas lui montrer les images. Elle lui demande de retourner à Sarajevo, par fidélité à son engagement passé et malgré les désillusions d'aujourd'hui. Sur place, rien n'a changé malgré les Casques Bleus.